Diplôme Modelage 3d, entretien avec Luc Bonnot, Jury
Découvrez une interview accordée à Strate école de design par Luc Bonnot, président de jury lors des dernières soutenances du cursus Modelage 3d de l'école.
À la rencontre d'un jury de soutenances de la formation Modelage 3d : Luc Bonnot
- Pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour. Je m' appelle Luc Bonnot, je suis designer industriel de formation (ISD 93 – Engineering Design).
- En quelques mots quel à été votre parcours professionnel ?
J'ai passé 15 ans en Design Transport (au sein du Bureau de style indépendant; clients du secteur automobile, ferroviaire, aéronautique). C’est durant cette période que j’ai acquis une expertise sur les outils numériques liés au Design (modelage et imagerie). J'ai également travaillé 10 ans dans l’Univers du Luxe en tant que Responsable Design Numérique chez Louis Vuitton. Ma mission principale était d' accompagner la créativité tous univers confondus. Et je suis depuis un an installé en tant que Designer Indépendant.
- Vous avez été sollicité par Strate école de design pour être jury lors des soutenances de diplôme de la formation Modelage 3d, que retenez-vous de cette journée de soutenance ?
En tant que Président de Jury, j’ai assisté à une journée très riche en projets, en expériences humaines, en partages. Il y avait des étoiles dans les yeux des futurs diplômés. Tous les travaux présentés étaient de grande qualité, tant en physique qu’en numérique.
- Pouvez-vous nous parler d’un ou des projets Modelage 3d qui vous ont marqué durant ces soutenances ?
En particulier, les félicitations et coup de cœur du jury, qui ont été unanimes entre les jurés, pour les projets d’Adrien Schwarz, ayant réalisé une très belle maquette physique, faisant preuve de méthodologie, de variété de matériaux avec la maîtrise de leur mise en œuvre et une maquette numérique complexe, aboutie et très bien présentée.
Je me dois aussi de citer la maquette physique de Baptiste Gillet qui a obtenu les félicitations du jury pour ce travail et également l’excellent travail d’Alexandre Boissin pour la rédaction de son mémoire.
- Avez-vous un ou des conseils à donner à nos étudiants-modeleurs en vue de leurs prochaines soutenances ?
Ce sont des jeunes qui sont passionnés par ce métier et cela se ressent dans leur expression, leur attitude mais également dans la qualité de leurs travaux. La satisfaction d’un travail de qualité, abouti, recherché, expliqué, justifié et travaillé dans ses moindres détails, est communicative et sert à vendre le projet. Ce sera leur quotidien. Même si cela reste très technique, puisque nous parlons de conception d’objets, de produits, de véhicules, … l’aspect communication est plus qu’important. C’est un tout, et tous les aspects doivent être maîtrisés
Voici quelques conseils :
- Ne pas vouloir en faire trop, il faut travailler la justesse dans le sens propre du terme.
- Présenter un travail qualitatif, fini, abouti. L’investissement temps/ effort doit se sentir.
- Se poser les bonnes questions. Toutes les questions (pour que rien ne soit aissé de côté)
- S’assurer de la bonne compréhension de l’auditoire (avoir une expression écrite ou orale correcte et compréhensible par tout un chacun).
- S’entraîner, répéter. Cela permet de prendre du recul et de la hauteur sur son travail. On ressent alors une maîtrise du sujet puisqu’on est prêts à répondre à toutes les questions.
- Quelles sont les qualités nécessaires pour être un bon modeleur numérique ?
Curiosité, pragmatisme, humilité, culture technique et artistique, visionnaire, imaginatif...
La conception volumique doit être maîtrisée. C’est la synthèse de compétences géométriques physiques liées à la conception de produit et l’imagination intellectuelle sollicitée par une activité créative à la vue d’un dessin, d’une idée, …
Après il y a la maîtrise des outils quels qu’ils soient, ceux avec lesquels on arrive le mieux à s’exprimer, qu’ils soient surfaciques, polygonaux ou solides. Ce n’est pas l’outil ou l’ordinateur qui fait le travail, ce sont les mains et la tête, autrement dit, le savoir-faire.
- Quels conseils donneriez-vous aux jeunes diplomés en Modelage 3d qui commencent leur carrière ?
Je leur conseille d'intégrer une équipe avec des gens expérimentés en faisant preuve d’humilité car il y a encore énormément de choses à apprendreToutes les méthodologies sont bonnes, ce qui importe c’est le résultat ad hoc. Cela implique du partage, de la communication et du respect de la diversité. Le travail d’équipe est très riche en enseignements, quels qu’ils soient.
- Y’a t-il des jobs plus formateurs que d’autres ?
Les domaines à caractère technologique sont très formateurs (transport en général ou industries manufacturières) dans une perspective de conception de produit. Ce sont des domaines où il faut faire preuve de précision, de rigueur, d’inventivité. Cela donne du sens car les produits modélisés sont fabriqués.
Le virtuel devient tangible et il y a cette satisfaction de faire partie d’un tout. C’est gratifiant ! Les domaines des jeux vidéos ou des effets spéciaux (au sens large) sont également très formateurs sur l’aspect artistique et technique de modelage, image et animation. Il faut alors maîtriser les techniques de visualisation, optimiser les fichiers, les textures… C’est une approche différente mais intéressante car elle évolue très vite en terme de technologie.
- Quels changements imaginez-vous arriver au cours de prochaines années dans les métiers du modelage numérique ?
Il est intéressant de noter les évolutions technologiques et les transferts possibles aujourd’hui. Les ordinateurs sont de plus en plus puissants et permettent beaucoup plus de choses qu’il y a encore quelques années. Les outils qui ont été développés dans certains domaines commencent à être utilisés dans d’autres secteurs qui, a priori, n’étaient pas destinés à les utiliser. Je pense à toutes les technos temps réel qui se sont développées pour le gaming, puis passent par le e-commerce et vont dans le domaine industriel ( Unreal par exemple qui se développe très vite dans l’automobile mais il y en a d’autres).
Les outils deviennent plus intuitifs par rapport à la création de forme, notamment la modélisation en SubDivision. Il faut juste être vigilant à ne pas perdre la précision et la faisabilité. Le modelage polygonal (antithèse de la CAO traditionnelle, précédemment réservé à l’industrie graphique) prend toute sa place aujourd’hui dans la conception de produit avec des outils modernes.
Le Design collaboratif via des réseaux numériques (internet ou intranet) va demander des compétences plus abouties en terme de modelage rapide et de visualisation partagée. On voit de plus en plus de sketch en 3D, représentatif dune certaine créativité, intégrant une certaine faisabilité, très en amont. Cela devient très efficace, agile, pour alimenter un workflow de conception très rapide, évitant les aller-retours, réduisant le Time to Market. C’est la volonté des entreprises, satisfaire les clients le plus vite possible tout en respectant les tendances. Tout va plus vite dans des quantités moindres car cela change plus souvent.
Cela veut dire que les techniques associées évoluent également très vite. Il faut absolument rester up to date et agile sur différents outils qui permettent les choix de méthodologie les plus rapides et efficaces pour accompagner ce challenge quotidien.
- Quelles en seraient les conséquences en terme de formation ?
Il faudra vraiment prendre de la hauteur sur l’activité de modelage pour voir et anticiper les évolutions. Cela implique de développer de la curiosité envers d’autres domaines d’application. Cela veut dire faire évoluer les apprentissages. La finalité reste la même, les moyens d’y arriver évoluent.
Varier les outils, les technologies, les méthodologies, avec des professionnels expérimentés de secteurs de pointe qui partagent des savoir -faire, des méthodes, au-delà des apprentissages des outils. On gagnera en agilité en travaillant sur pleins de petits projets variés (en mode Sprint) en complément de sujets de fonds.
- Un mot pour conclure ?
J'ai hâte d’être au prochain jury et de voir ce que présenteront les étudiants.
La place des modeleurs numériques est plus que jamais importante dans les processus de création, faisant partie des équipes amont de conception, avec les stylistes et designers, et avec les prototypistes physiques spécifiques à chaque métier. Cette double compétence physique/numérique est essentielle à la crédibilité du métier et à son efficacité.